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« Vous n'avez pas l'air de saisir l'ampleur de la situation. » L'homme se lève, énervé, alors que Darren, lui, demeure confortablement installé dans la chaise qui se trouve derrière son bureau. « Oh, je comprends. Mais vous devez aussi saisir l'importance de ce que vous venez de me dire. Je suis avocat, probablement l'un des meilleurs et je peux faire des miracles, mais ce ne sera pas facile. Votre entreprise risque gros. » Le soupir de son interlocuteur lui fait comprendre qu'il vise juste et qu'il est désormais prêt à l'écouter. « J'ai besoin des états financiers. Je peux aisément mettre la main sur les anciennes poursuites judiciaires, mais j'ai besoin de savoir tout ce qui s'est fait de plus ou moins légal au sein de l'entreprise dans les vingt dernières années. Si on se rend au tribunal, je ne veux pas avoir de surprises. Absolument tout, compris ? » « Je vous donnerai ce qui est important. » « Laissez-moi juger de l'importance des informations, voulez-vous ? Avec l'expérience, on apprend rapidement que les clients sont les pires pour statuer sur ce qui vaut la peine ou non d'être mentionné. Si j'ai toutes les cartes en main, je peux assurer votre défense, mais si la partie adverse me balance une bombe à la gueule et que je ne suis pas préparé parce que vous avez décidé que ce n'était pas important, on saute. Boom ! Y'aura pas de retours en arrière possible. »

Cette fois, l'homme prend son temps avant de hocher la tête, visiblement déstabilisé par l'assurance de l'avocat. Darren lui tend quelques papiers, lui demande de signer ici et là avant de se lever pour l'entraîner vers la sortie. « Rappelez ma secrétaire demain afin de prendre rendez-vous d'ici la fin de la semaine. Envoyez-moi les dossiers que je vous ai demandés le plus rapidement possible pour que je puisse les parcourir avant notre rencontre. » Darren lui serre la main, le raccompagne jusqu'aux ascenseurs luxueux.

« Je dois voir qui, maintenant ? » demande-t-il à sa secrétaire alors qu'il perd rapidement le fil des entrevues prévues dans la journée. Heureusement qu'elle est là. « Tu veux la liste ? Tu as cinq rendez-vous. Et monsieur Finnigan t'attend dans la salle de conférence. Tu devrais lui servir un verre de whisky, il a l'air tendu. » « Cinq ? Mais il est déjà 17h30 ! » Darren fait la moue et prend une grande respiration avant de remercier la jeune femme d'un léger signe de tête et de prendre la direction de la salle de conférence, invitant ainsi son prochain client à le suivre jusqu'à son bureau. Il vient à peine de s'asseoir que la porte du grand bureau s'ouvre à la volée sur la silhouette de Thatcher, visiblement énervé. Darren fronce les sourcils et comprend rapidement que les histoires du PDG ne peuvent pas attendre, devine assez bien l'état d'esprit au sein duquel il se trouve en ce moment. « Navré, monsieur Finnigan, nous allons devoir reporter notre rendez-vous. » 

Il lance un regard discret à son ami afin de lui demander de l'attendre là, quitte le bureau en acceptant sans rechigner les plaintes et les jérémiades de son client, fâché d'avoir été mis de côté.

« Annule mes quatre autres rendez-vous. » lance-t-il simplement en tournant rapidement les talons.

Il ferme la porte du somptueux bureau derrière lui, s'assoit dans l'un des canapés.

« Tu sais que tu n'as pas vraiment le droit de faire fuir mes clients, hein ? » Il tente une boutade afin de détendre l'atmosphère un minimum, devine à la bouteille de whisky qu'il vient de poser devant lui que la journée a été longue pour lui aussi. Darren se lève afin de prendre deux verres derrière la vitre de l'armoire, les ramène entre eux non sans froncer légèrement les sourcils. « On dirait que tu viens d'apprendre que toutes les banques du monde font faillite. Qu'est-ce que tu fais là ? »

one day at time

darren & thatcher

Le grand Thatcher Nichols, Président Directeur Général de la firme financière la plus importante de la côte Ouest, peut-être même des États-Unis, mais même Thatcher se garderait une gêne de le dire. Il ne voudrait pas faire fuir la compétition, sans compétition il ne pourrait pas être le meilleur, ce grand Thatcher regardait nerveusement l’horloge de son bureau faire tic-tac. Depuis quelques jours maintenant qu’il semblait être enfermer dans un tourbillon sans fin de cauchemars par-dessus cauchemars. À croire que rien n’allait plus, qu’est-ce qu’il avait bien pu faire au karma pour mériter autant de merdes ? Tout juste au moment où il envisage la retraite pour se concentrer sur son épouse. La vie lui en voulait pour quelque chose, mais quoi ? N’avait-il pas été juste et équitable toute sa vie ? Il n’avait jamais fraudé les impôts, bon, peut-être une petite affaire de rien du tout, mais le président Trumps avait fait bien pire ! Il était resté en ménage avec la même femme jusqu’à ce qu’il tombe amoureux. Il avait permis à ses enfants de vivre dans un foyer normal. Franchement, l’homme, et en toute sincérité, ne voyait pas où il avait mal joué au jeu de la vie. Pourtant il se sentait dans l’eau chaude, il devait faire quelque chose, mais quoi ? Le cerveau du monsieur allait à cent mille à l’heure, il avait les tripes qui lui donnait la nausée. Quelque chose irait mal, c’était inévitable. « Bonne soirée. » Aboya-t-il à sa secrétaire à qui il ne jeta même pas un vulgaire regard. Cette dernière le salua poliment de la main, ce n’était pas la première fois, encore moins la dernière, que Thatcher lui aboyait des mots. Thatcher ne voyait qu’une chose à faire pour protégé ce qui lui était le plus cher.

« Chez Whitmore. » Il s’assoit dans sa voiture conduite par un chauffeur. « À la maison de monsieur, monsieur ? » Thatcher lui lança un regard qui ne laissait planer aucun doute sur le fait qu’il le trouvait profondément abruti. « Les hommes importants ne sont jamais à la maison, Claude. » Le chauffeur commença à conduire jusqu’au bureau de Darren Whitmore, l’avocat de la firme de Thatcher. Il allait devoir protéger la Nichols Company et Bank Union. Il n’existait pas meilleur dans le domaine que cet homme en qui il avait aveuglément confiance. Il le connaissait depuis plusieurs années, il était le parrain de l’un de ses enfants, il avait été son témoin lors de son mariage avec Lila, mais surtout Darren Whitmore était son meilleur ami. Lilith lui avait présenter l’homme et bien vite ils avaient sympathisé. C’était l’homme de la situation.

Thatcher ne se souvint pas exactement combien de temps ça lui avait pris monter jusqu’au bureau de son ami, mais il était là, devant la secrétaire. « Monsieur Whitmore est en rendez-vous ? » Thatcher haussa les sourcils avant d’éclater de rire. « Chérie, je n’ai aucune permission à vous demander. » Le blond était habituellement plus galant, mais il ne serait pas tranquille tant que les choses ne seront pas en ordre. Thatcher entend la voix de son ami dans la salle de conférence et sans plus attendre il ouvre la porte et fait simplement des gros yeux à son ami. Il tourne les talons et se rend dans le bureau de Darren, il fouille dans le bar de l’homme et en sort une bouteille de whisky et en profite pour appuyer sur l’intercome pour communiquer avec sa secrétaire aucunement compétente. « Chérie, nous en avons pour la soirée. On va prendre sushis chez Takito. » Parce que oui, l’homme savait très bien qu’ils en auraient pour des heures à épluchés les dossiers de la Nichols Company. Ce n’était qu’un pressentiment, mais il devait protéger ses avoirs. Il avait travaillé dur toutes ces années, il avait joué réglo le plus possible. Il ne voulait pas tout perde. Thatcher se versa un verre sans glace quand son ami entra dans son bureau. « Tu sais que tu n'as pas vraiment le droit de faire fuir mes clients, hein ? » Thatcher se tourna vers lui en buvant cul sec, l’air affolé. « On dirait que tu viens d'apprendre que toutes les banques du monde font faillite. Qu'est-ce que tu fais là ? » Thatcher éclata de rire. « Ô Darren, je me porterais bien mieux si toutes les banques avaient fait faillites. » Il soupira en se passant une main sur le visage. Il revoyait ses dernières boulettes des derniers jours, son café avec Louisa, la visite dans l’ascenceur, et si les petits oiseaux de Lilith avaient été présents ? La promotion offerte à Théo, le mensonge envers Lila. Il devenait parano. « Je dois transférer la Nichols Company et Bank Unions à mon héritier. »

Lorsque son ami décide de sortir la bouteille de whisky à une heure aussi peu tardive, c'est bien parce que tout ne roule pas comme il l'aurait voulu. L'expérience lui a appris que c'est toujours plus facile de libérer l'anxiété enfouie avec une bonne dose de whisky, si bien qu'il laisse le PDG s'en verser un verre avant de faire de même. Il le conserve toutefois précieusement après en avoir bu une gorgée, laisse son regard flirter avec le verre déjà vide de Thatcher. L'avocat a vu juste, visiblement. Ce n'est pas la première fois que l'aîné des Nichols vient le voir en urgence afin de régler des problèmes importants, qu'ils soient d'ordre personnel ou professionnel, d'ailleurs, mais c'est la première fois que Darren le voit aussi dévasté. Thatcher Nichols n'est pas un homme aisément effrayé, il est de ceux qui rebondissent toujours plus haut après les épreuves, qui lèvent un doigt d'honneur à ceux et celles qui tentent de les déstabiliser et qui rient à la gueule de leurs compétiteurs. L'avocat peut détecter l'angoisse dans le ton et la posture de son ami et il s'installe plus confortablement dans le luxueux canapé, persuadé que le PDG en a pour quelques heures à lui raconter ses emmerdes. Ce n'est pas comme si Darren allait vraiment lui en vouloir de devoir repousser à demain les rendez-vous qui jonchaient son calendrier pour la soirée.

L'avocat prend une nouvelle gorgée de whisky, sourit brièvement lorsque son ami éclate d'un rire nerveux qui laisse sous-entendre le tourment qui se dessine à l'horizon. Il n'est pas dupe et il saisit rapidement l'importance de cet entretien malgré les sourires et les éclats de rire. D'ailleurs, Thatcher annonce bien vite la couleur de ce qui va suivre en lançant une bombe à laquelle Darren ne s'attendait pas. Les deux hommes se connaissent depuis longtemps et n'ont que très peu de secrets l'un pour l'autre, mais le PDG n'a jamais énoncé ne serait-ce que la possibilité de prendre sa retraite dans un avenir aussi rapproché.

« C'est une décision précipitée ou tu y as réfléchi ? » Il débute, s'avance légèrement et dépose son verre sur la table qui se trouve près d'eux. « Ce n'est pas un choix que tu peux prendre à la légère, j'imagine que je ne t'apprends rien. »

Il fronce légèrement les sourcils, se lève afin de récupérer les dossiers des deux entreprises dans le classeur qui se trouve derrière lui. Plusieurs années se cachent au sein de ces centaines de pages exposant autant les contrats des compagnies que les affidavits nécessaires à certaines poursuites judiciaires ayant frappé les entreprises concernées ou certains de leurs employés. Il les laisse pour l'instant sur le coin du bureau, pose ses fesses sur le meuble et détache un peu sa cravate.

« Qu'est-ce qui vient de te tomber dessus ? Je te connais, Thatcher, je sais que t'es pas du genre à foncer tête baissée et à brusquer les choses au point de mettre en péril la stabilité de la Nichols Company et Bank Unions. »

Il se passe des choses qui ne sont pas forcément nettes et si Darren a toujours trouvé que l'aîné des enfants Nichols avait une tête sur les épaules, il n'est pas certain qu'Harper soit réellement prêt à reprendre les rênes des compagnies, bien que ce ne soit pas à lui d'en juger. Il a cette horrible appréhension qui se glisse en travers de sa gorge et qui refuse de s'éclaircir, se dit que son ami doit vraiment être dans la merde pour se pointer ici sans rendez-vous, une bombe minutée entre les mains qu'il vient tout juste de lancer dans sa direction.