-  you gotta show up if you wanna be seen (elio) -

la musique qui l'entoure est assez forte pour que les voix se perdent et ne parviennent jusqu'à ses oreilles curieuses. l'odeur de sucre et d'alcool vient créer une ambiance lourde et pourtant réconfortante dans une pièce où tous s'entassent. c'est une soirée des plus normales à l'aloha, du moins, de ce qu'il en sait. quelques mois seulement qu'il a découvert ce bar avec nate, mais benjamin se sent déjà habitué aux visages et aux courbes des corps qu'il croise dans les coins sombres du lieu. il est déjà tard, son ami ne devait plus tarder. il est déjà ivre du temps qu'il passe ici, à newport beach. il se sent chez lui, au milieu de l'argent et du pouvoir. enfin à la place qu'il a toujours mérité, qu'on lui a toujours promis. il est fier comme un coq, le type. il tient son verre de la main droite pour faire ressortir sa montre, premier cadeau qu'il s'est fait lorsqu'enfin helios security a pu se lancer. ses yeux se baladent de corps en corps. il n'a jamais su se rassasier l'imbécile. pourquoi se contenter d'un peu lorsque l'on peut avoir tout ? l'argent, la gloire, la puissance, la luxure... il sourire vient s'afficher sur ses lèvres alors qu'il porte son verre à la bouche, avalant le reste d'un cocktail choisi au hasard. il a presque essayé toute la carte, il sera bientôt temps de se choisir une boisson et de s'y coller. une nouvelle partie d'une identité qu'il se forge peu à peu. une panoplie complète du prince charmant moderne qu'il met en place peu à peu, oubliant le reste du monde. sa famille ? ses potes ? plus besoin d'eux. il a newport beach maintenant. et elio qui s'approche enfin, gamin charmant à la tignasse ébouriffée. “Gabbiani enfin ! Pile à temps pour me resservir un verre.” il l'aime bien, elio. il a l'impression avec lui d'être parmi ses pairs.  

est-ce que tu seras là pour m’accueillir si je débarque au milieu de la nuit avec les nouveaux sous-vêtements que j’ai acheté cette après-midi ? dans le uber qu’il vient d’emprunter, elio pousse un léger soupir. vraiment, il aurait adoré se faire surprendre par sa petite-amie en tenue légère. n’importe quel mec dans sa situation aurait adoré. mais il avait déjà d’autres plans. c’était déjà engagé ailleurs. il ne pouvait pas vraiment décommander, n’est-ce pas ? cela est extrêmement tentant mon coeur, mais je ne sais pas encore à quelle heure je rentre ce soir. il ne précise pas qu’il ne travaille pas mais va plutôt rejoindre benjamin dans un bar. il sait qu’il vaut mieux cacher une partie de la vérité, dans ces cas-là. alors que le trajet continue en direction du aloha bar, il attend une nouvelle vibration de son téléphone. mais rien. il pousse un nouveau soupir, se passe une main sur le visage. c’était à prévoir. mais elio, il n’était pas du genre à se gâcher la soirée pour si peu. astoria s’était déjà fait un plaisir de rendre sa journée de travail encore plus chargée en s’obstinant à licencier bien trop d’employés, il n’allait pas en plus rendre se gâcher sa soirée. il saurait se faire pardonner, de toute manière.

passant sa carte dorée sur le boitier, il quitta enfin la voiture, pénétrant avec facilité dans le bar, dépassant la petite queue s’étant formée vu l’heure de pointe. un sourire au videur, et le voilà qui cherche benjamin des yeux dans la salle bondée. il le repère enfin, et son sourire s’élargit. il laisse échapper un éclat de rire. “eh bah alors brooks, on a oublié sa carte gold ?” il prend place à côté de lui, faisant en même temps signe à une serveuse. “deux tiki, s’il vous plait.” un sourire et un clin d’oeil plus tard, elle repart vers le bar, et il se tourne définitivement vers son ami. “j’en déduis donc que tu ne m’as pas attendu.” il hausse un sourcil, dans l’expectative.

le parfum de la richesse est un parfum tout à fait reconnaissable. l'odeur de l'alcool, du métal précieux et de la transpiration à force de ne rien faire, mélangés tous dans une pièce fermée au reste du monde. une bulle d'intimité refusant de laisser ne serait-ce qu'un peu de son essence s'échapper, au risque de voir le peuple se laisser tomber sous le charme. la plèbe et les grands, tous égaux dans un monde où plus rien n'est trop beau pour personne. égaux dans la poussière, la chaleur et l'indignité. ça lui provoque des frissons que de s'imaginer un jour redevenir un homme comme les autres. égal. ni plus, ni moins. il s'est trop battu pour ça. il a mit trop de tmeps pour être à la place qui lui revient de droit. une place qu'il refuse de quitter, trop enivré par cette montée fulgurante. trop étourdi pour accepter de chuter à nouveau. quitte à se battre, à faire ce qu'il faut. quitte à tricher. se voir reconnu par un groupe d'êtres qu'il n'aurait rêvé croiser dans un passé pas si lointain, ça le rend fier. ça fait gonfler sa poitrine d'une puissance qu'il n'a pas. les épaules, ben, il ne les aura jamais vraiment. mais il y croit, il refuse de ne pas y croire. la vérité ne peut être que sienne. pourquoi serait-ce vérité sinon ? c'est pour ça qu'il apprécie autant trainer avec ces nouveaux amis qu'il se fait de soirée en soirée, collectionnant des cartes de visites comme on collectionne les histoires sans lendemain. entouré comme il l'est, coqueluche d'une population nouvelle, il est impossible pour lui de se faire oublier. se faire une place en étant partout, toujours. homme puissante. homme apprécié. homme aimé. pas homme rejeté. pas homme sali. pas homme détesté. l'arrivée d'elio lui fait plaisir comme l'arrivée de chaque personne qu'il voit : un sentiment de surface pour un ennui déguisé. il est sympathique, le brun. mais il n'est qu'un employé. personne si ce n'est le barreau d'une échelle à grimper au plus vite. un barreau là pour lui, ça, il en était sur. un type bien, c'est plus facile. “je ne me suis pas encore habitué à la vie d'homme qui réussi, parfois j'oublie encore ce qu'est ma vie.” il n'en pense pas un mot, benjamin. il a réussi. il le cri jusqu'à dans son coeur. ses yeux se posent sur son ami. il remarque le sourire, le clin d'oeil, la position. elio est à l'aise, il est dans son élément. la soirée s'annonce agréable. “je n'allais pas attendre que ta bien aimée te lâche enfin pour me faire plaisir de mon côté, tu sais.” parce que l'autre est prit. pas lui. “comment va ta douce vie ? toujours aussi amoureux ?” il ne sait même pas pourquoi ça l'intéresse, en vérité. mais c'est doux, c'est facile.

elio laisse échapper un éclat de rire à la remarque de benjamin. comme si il n’était pas pleinement plongé dans cette vie de luxure, de richesse jetée par les fenêtres. il est facile, de s’adapter au confort, à la vie de luxe, à un compte en banque tellement rempli que l’on peut se passer de le surveiller de manière régulière. lui, il s’y était très bien fait. une quelconque chute n’était pas permis. il n’y survivrait probablement pas. il savait ce que c’était, la vie d’en bas, et il ne la souhaitait à personne. maintenant qu’il s’était battu comme un lion pour atteindre ce niveau, il ne comptait laisser rien ni personne réduire à néant sa réussite. la seule direction possible était plus haut, encore et toujours. plus de pouvoir, plus de richesse, plus de réussite. elio il a assez d’ambition pour plusieurs générations. sa plus grosse qualité autant que son plus gros défaut.

l’éclat de rire pourtant, meurt dans l’oeuf, alors que benjamin mentionne sa si fantastique vie amoureuse. réponse corporelle qui parle pour elle-même, clairement. ils ont connu des jours meilleurs, laïs et lui. elle ne comprend pas, tout simplement. elle ne peut pas comprendre, elle n’est pas intéressée par tout ceci comme lui. il hausse une épaule. “l’amour ça ne fait pas tout.” cela sonne creux, quelque part. il préfère ne pas trop y penser. “enfin, je sais très bien que cela ne t’intéresse pas, monsieur le célibataire. tu as déjà repéré une jolie victime pour ton charme légendaire ?” il lui offre un sourire narquois, mais quelque part, il l’envie. ces derniers temps, il a l’impression de ne plus être aussi libre qu’avant.  

cela ne fait pas si longtemps qu'il connait gabbiani. trois, quatre mois tout au plus. des mois qui sont passé à une vitesse folle alors qu'il délaissait son travail pour se concentrer sur son carnet d'adresse désormais bien fourni. des relations qu'il entretient avec soin, bien trop heureux de pouvoir se placer dans la haute société de newport beach. ils sont nombreux, ceux qui veulent changer le monde. mais ben pense qu'il est de ceux qui réussissent. il a trop d'égo pour le voir autrement. égo. égo. égo. le mot revient sans cesse. il est partout, tout le temps. comme s'il n'existait plus en benjamin que son rapport aux autres. comme si son passé le forçait désormais à se créer une image impeccable. impossible à mettre en question. un roc que le temps lui même ne bouge pas. ben est miroir d'une réalité qu'il envie. dans sa veste parfaitement taillée, il représente le rêve américain promit à ses parents. un rêve américain auquel manque la femme et l'enfant semble-t-il. si ses vieux voyaient ce qu'il devient. il n'est pas stupide, il a remarqué le sourire effacé d'elio. il le comprend, au fond. se contenter d'un seul corps, quelle tristesse. “en effet. ça a même tendance à empirer le reste, n'est-ce pas ?” qu'il lui demande, bien sur de lui. “s'embourber dans des sentiments, quelle drôle d'idée.” c'est pas comme s'il pouvait aimer, lui. ben, il n'aime personne. il déteste. il hait. il envie. il admire. il jalouse. il se laisse fasciner. mais il n'aime pas. l'amour, c'est pour ceux plus faibles et ceux moins ambitieux. même elio le sait. elio qui arrive à lui arracher un sourire alors que leurs verres arrivent déjà. ils ne sont pas n'importe où, après tout. “pourquoi seulement une ?” qu'il demande avant de s'appuyer sur le bar, à l'aise. “disons que j'ai quelques idées. l'avantage de newport beach, c'est que la ville regorge de femmes plus magnifiques que la précédente.” première dans son esprit ? astoria. ce qu'il donnerait pour une nuit avec elle putain.

Effectivement, quelle drôle d’idée. Cela est censé être simple non, d’aimer ? On vend toujours cela comme la plus belle chose possible, le but de la vie elle-même. Qu’être seul, cela empêche d’atteindre le bonheur complet, que tout dépend de cet amour dont on parle tant. Il y a toujours cru Elio, entouré de l’amour inconditionnel de sa famille, d’amis qu’il aura gardé tout au long de sa vie. Mais cet amour là, celui qui fait cogner son coeur contre sa poitrine bien plus fort que d’ordinaire, il semble ne pas vraiment lui réussir. D’abord cette romance ratée avec Vicky, puis ce couple bancale avec la meilleure amie de Astoria — il se demandait encore comment une telle chose avait pu arriver — et finalement son histoire qui se dégradait de plus en plus avec Taïs. Peut-être n’était-il tout simplement pas fait pour ce genre de choses, au final. Mais il n’a pas envie de s’enfoncer dans cette conversation ce soir, alors il hausse simplement une épaule en réponse, et continue de sourire, car il ne va pas se laisser abattre. Cela n’a jamais été son genre. Et il rit de bon coeur à la réflexion de Benjamin. Evidemment, le contraire l’aurait étonné. “Pourquoi te priver, n’est-ce pas ?” Sourire en coin amusé, alors qu’il boit une gorgée de son verre. “La richesse rend beau mon ami, alors pas étonnant de voir autant de jolis minois par ici.” Il en arrive a sincèrement regretté de ne plus être libre, parfois, et cela semblait lui arriver de plus en plus souvent. Ce qui ne pouvait pas être un bon signe, n’est-ce pas ? “Assure toi au moins qu’elles soient célibataires, ne commence pas à te mettre tous les hommes de la ville à dos.”  

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