-  we have no need to fight (santiago) -

Il n'est pas capable de ralentir. Et il s'agit là d'une qualité, autant que d'un défaut. A la fois partagé entre le plaisir d'être actif, et la sensation d'être épuisé – se sentant tiré au rebord du burn-out. Forces qui lui échappent, bien malgré lui. Forces qu'il voudrait retenir. Alors, en ce samedi matin, Adam essaie de prendre le temps. De ralentir. Que son agenda soit libre, que rien ne vienne lui occuper l'esprit. Mais son esprit patauge encore dans les dossiers qu'il épluche la semaine, ses clients ne le quittent jamais vraiment – et il en est heureux, au fond, d'avoir un travail pour lequel il se sent si investi. Mais l'investissement a ses limites – et il pense avoir atteint les siennes. Malheureusement, il lui est compliqué d'envisager une existence plus calme. Alors, Adam prend les choses comme elles viennent, petit à petit. Sans forcer, sans se presser. En ce samedi, tout du moins.

C'est ainsi qu'il s'échappe de la maisonnée. Se dégourdissant les jambes dans cette petite promenade qu'il tire en dehors du quartier, laissant sa voiture derrière lui, vêtu d'un simple jean et d'un t-shirt gris. Ses boucles brunes rassemblées en un chignon désaccordé – l'envie de se couper les cheveux ne l'a pas encore possédé, alors il profite de son look approximatif pour paraître aussi normal que le commun des mortels. Il change, et c'est peu dire, sans son costume bien taillé. Mais ça ne lui déplaît pas forcément ; il donne beaucoup d'importance à l'apparence, les jours de boulot, alors ça lui fait du bien de lâcher un peu de leste aujourd'hui. Après une heure à vadrouiller, la nuque réchauffée par le soleil, il s'apprête à retourner chez lui lorsqu'il aperçoit une silhouette qu'il pense reconnaître. Un sourire fin étire ses lèvres lorsqu'il reconnaît Santiago Herrera ; éternel ami d'Anissa, il a cru comprendre qu'ils ne se parlaient aujourd'hui plus. Evidemment – à ses yeux, il n'est rien de plus que l'ami (ou l'ancien ami, qu'on se le dise) de sa femme. Ils n'ont jamais forcément eu le moindre atome crochu, mais Adam apprécie l'homme – il a conscience de l'impact qu'il a eu sur la vie d'Anissa.

Et si seulement il savait – si seulement il se doutait, de ce qui se trame sous la cendre entre les deux. De ce qui se passe derrière son dos. Peut-être qu'il s'en irait, au fond, peut-être qu'il n'essaierait même pas de se battre. Peut-être que saluer Santiago serait le cadet de ses soucis. Pourtant, Adam est bon. Adam n'y voit que du feu. Alors, il s'élance, le bougre. Sans se poser de questions, sans se sentir rattrapé par la cadence effrénée de cette vie qui le poursuit inlassablement. Sans se douter, une seule seconde, de ce qui le guette dans la nuit. Le soleil est éclatant, et il profite de cette vie qu'il savoure avec plaisir. C'est une si belle journée.

L'avocat se dirige vers Santiago, qu'il salue d'un geste de la main. « Santiago, bonjour, ça fait longtemps que je ne t'ai pas vu. » Il tend sa paume, attend que son vis-à-vis l'empoigne pour approfondir le salut. Il avait oublié qu'il vivait dans le coin, Santiago – mais, au bout du compte, il ne s'en sent pas surpris. « Tout va bien ? » Adam a bon nombre de politesses en tête pour alimenter cette conversation qui se profile. Il n'est pas certain d'avoir déjà vu Santiago sans Anissa à leurs côtés, mais il ne s'en sent pas gêné pour deux sous. Peut-être que cette rencontre fortuite poussera les deux anciens amis à se rabibocher. Et si Adam pouvait être le point d'ancrage pour les deux, il n'en serait pas peu fier.